Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/101

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devant la porte de sa maison, avec des cris, des imprécations et des efforts pour y pénétrer, qu’avait peine à réprimer la maréchaussée postée à cet endroit. Au milieu du tumulte et de mille cris sauvages, des voix exaspérées s’écriaient : « Il faut assommer le maudit assassin, il faut le mettre en pièces ! » — Enfin Desgrais arrive avec une escorte nombreuse, qui forme la haie, à travers l’épaisseur de la foule. Alors la porte de la maison est ouverte, et l’on en tire un homme chargé de chaînes que les soldats emportent, suivi des malédictions et des cris furieux du peuple.

Mademoiselle de Scudéry, à ce spectacle, se sent à demi morte d’épouvante et saisie d’un horrible pressentiment. Au même moment, un cri perçant de désespoir frappe son oreille. « Avancez ! avancez plus près ! » crie-t-elle au cocher. Celui-ci, par une volte habile et rapide, écarte la foule devant lui, et s’arrête à la porte de la demeure de Cardillac. Là, mademoiselle de Scudéry aperçoit Desgrais, et voit à ses pieds, embrassant ses genoux, une jeune fille, belle comme le jour, à demi vêtue, les cheveux épars, le visage contracté par la douleur et plein d’une angoisse mortelle ; elle l’entend s’écrier avec l’accent déchirant du dernier désespoir : « Mais il est innocent ! — il est innocent ! » — Desgrais et ses gens veulent la relever, elle résiste à leurs efforts : enfin un grand gaillard brutal saisit de ses larges mains la pauvre enfant, et l’arrache violemment des genoux de Desgrais ; mais il trébuche maladroitement et laisse tomber, sur les marches de