Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/118

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plus d’un trait qu’elle avait regardé jusqu’alors comme une preuve d’innocence et de pureté, lui apparut comme un indice certain d’une odieuse dépravation et d’une hypocrisie étudiée. Ce désespoir déchirant, ces torrents de larmes amères, pouvaient bien être le résultat de la crainte mortelle, non pas de voir périr son bien-aimé, mais de tomber elle-même sous la main du bourreau. Il était urgent de se débarasser de ce serpent qu’elle avait réchauffe dans son sein : et telle fut la dernière impression sous laquelle mademoiselle de Scudéry arriva chez elle.

Dès qu’elle fut entrée dans sa chambre, Madelon vint se jeter à ses pieds, l’implorant de ses regards célestes : un ange devant Dieu ne les a pas plus sincères ; les mains croisées sur son sein palpitant, gémissant à haute vois, elle sollicitait une parole de consolation… Mademoiselle de Scudéry, s’imposant une pénible contrainte, dit d’un ton de voix qu’elle s’efforca de rendre calme et sévère : « Vas ! — vas ! — Cesse de regretter un assassin. qu’attend le juste châtiment de ses crimes. — Et que la sainte Vierge te garde d’avoir aussi à répondre toi-même d’un lâche attentat ! — Ah ! tout est fini !… » — Madelon, en proférant cette exclamation perçante, tomba par terre évanouie. Mademoiselle de Scudéry laissa la jeune fille livrée aux soins de La Martinière, et se retira dans une autre chambre.

Le cœur ulcéré, prenant toute l’humanité en haine, mademoiselle de Scudéry se sentait dégoûtée de vivre dans un monde rempli de corruption infâme. Elle