Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/125

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Il y avait alors précisément vingt-trois ans que Brusson avait quitté Paris avec sa femme et son enfant, pour se rendre à Genève.

« Oh ! c’est affreux ! s’écria mademoiselle de Scudéry après s’être un peu remise, tu es Olivier ? — le fils de ma chère Anne ! — Et maintenant !… » Olivier reprit avec calme : « Assurément, ma digne demoiselle, vous n’auriez jamais pu prévoir que cet enfant que vous gâtiez comme la plus tendre des mères, auquel, en le balançant sur vos genoux, vous aviez sans cesse quelque friandise à mettre à la bouche, auquel vous prodiguiez les noms les plus doux, serait un jour, étant devenu homme, amené devant vous, comme accusé d’un crime atroce ! — Je ne suis pas exempt de reproches, la chambre ardente peut avec raison me traiter en criminel ; mais, aussi vrai que j’espère mourir en état de grâce, même sous la main du bourreau, je suis pur de sang versé et n’ai commis aucun meurtre : je ne suis ni coupable ni responsable de la mort du malheureux Cardillac ! — »

Olivier, à ces mots, fut saisi d’un tremblement convulsif, et chancela sur ses jambes. Mademoiselle de Scudéry lui indiqua silencieusement une petite chaise placée à côté de lui. Il s’assit lentement, et commença son récit.