Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/150

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pouvais rapporter cela qu’à la vôtre, et je fus certain qu’il préméditait un meurtre, que la nuit suivante verrait sans doute accomplir.

» Il fallait que je vous sauvasse, dût-il en coûter la vie à Cardillac. Lorsqu’il se fut renfermé chez lui comme à l’ordinaire, après la prière du soir, je descendis par une fenêtre dans la cour, je me glissai par l’ouverture secrète, et me blottis à peu de distance, protégé par une ombre épaisse. Je n’attendis pas long-temps ; Cardillac parut bientôt et descendit la rue d’un pas léger ; je le suivis. Il se dirigea vers la rue Saint-Honoré, et je frissonnais d’effroi. Tout-à-coup il disparut à mes yeux. Je me décide aussitôt à me poster à l’entrée de votre maison, quand un officier passe en fredonnant devant moi, sans m’apercevoir, comme cette fois où le hasard me rendit témoin d’un des meurtres de Cardillac. Mais, au même instant, une figure noire bondit et se précipite sur lui : c’est Cardillac ! Je veux empêcher un nouvel assassinat, je pousse un cri perçant, et en trois sauts je suis sur la place. — Ce n’est point l’officier, mais c’est Cardillac qui, frappé à mort, tombe par terre en râlant. L’officier abandonne son poignard, met l’épée à la main, et, me prenant pour le complice de l’assassin, se prépare à la défense ; mais il se sauve à toutes jambes, lorsqu’il voit que, sans m’inquiéter de lui, je ne m’occupe qu’à visiter l’homme terrassé. Cardillac vivait encore ; je le chargeai sur mes épaules, après avoir ramassè le poignard que l’officier avait laissé tomber, et je le portai avec peine jusqu’à la maison, et dans l’atelier