Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/16

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bien que je sois plutôt pauvre que riche, j’ai pourtant de quoi suffire à ma simple manière de vivre. En outre, vous concevrez vous-même que, dès que vous croyez m’avoir offensé, m’offrir une somme d’argent, comme une espèce de réparation, est un arrangement auquel, en homme d’honneur, il me serait impossible de souscrire quand même je ne serais pas gentilhomme.

— Je crois vous comprendre, répondit le baron troublé, et je suis prêt à vous donner la satisfaction que vous exigez.

— Ô ciel, reprit l’étranger, les chances d’un combat entre nous deux seraient trop inégales. Car je suis persuadé que vous voyez comme moi dans le duel autre chose qu’un enfantillage dérisoire, et que vous ne regardez pas comme suffisantes, pour laver une tache faite à notre honneur, quelques gouttes de sang qui s’échappent une fois par hasard d’une écorchure au doigt. Mais il y a telles circonstances qui peuvent rendre impossible l’existence simultanée de deux hommes sur la terre, et l’un vécût-il sur le Caucase, l’autre aux bords du Tibre, la séparation est illusoire tant que la conscience de l’un nourrit la pensée de l’existence de son ennemi. Alors le duel est une nécessité pour décider lequel des deux doit céder la place à l’autre en ce monde. Entre nous, je vous le répète, les risques ne seraient pas égaux, ma vie n’étant nullement à priser aussi haut que la vôtre. Si je vous tue, je détruis tout un monde des plus belles espérances ; si c’est moi qui reste sur la place, vous aurez mis fin à une vie des