Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/258

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frappé d’un événement horrible que recélait le passé, ou que dévoilerait l’avenir. — Combien de fois je fus tenté d’instruire Séraphine de ce que j’avais appris touchant l’invisible démon, et comment mon grand-oncle rayait banni, sans doute pour toujours, de la Salle des Chevaliers. Mais une crainte indéfinissable tenait ma langue enchaînée chaque fois que je voulais prendre la parole.

Un jour la baronne ne parut pas au dîner ; elle était, disait-on, légèrement indisposée et ne pouvait pas quitter sa chambre. Quelqu’un demanda avec intérêt au baron si le mal de sa femme présentait quelque danger. Alors il sourit d’un air sardonique comme pour exprimer une amère raillerie, et répondit : « Non, ce n’est rien qu’un léger enrouement produit par le souffle un peu âpre de la mer qui ne souffre ici, une fois pour toutes, que les fiers halloh des chasseurs, et ne pardonne pas à la mollesse des voix langoureuses ! » — À ces mots, le baron, vis-à-vis de qui je me trouvais placé, me lança un coup-d’œil perçant et des plus directs. C’était de moi, sans contredit, qu’il avait voulu parler. Mademoiselle Adelheid, qui était assise à côté de moi, devint toute rouge. Tenant les yeux baissés vers son assiette sur laquelle elle semblait griffonner avec son couteau, elle chuchota tout bas : « Ce soir encore, tu verras Séraphine, et encore une fois la douceur de tes chants calmera les soucis de ce cœur malade. »

C’était à moi seul aussi qu’Adelheid adressait ces mots ; et, dans cet instant, il me sembla que j’étais