Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/264

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toute espèce de respect pour les meilleurs musiciens ? » Ce compliment flatteur, par lequel la baronne coupait court à toute fausse interprétation du vif intérêt qu’elle prenait à l’événement, me remit aussitôt sur un ton de juste bienséance.

Je ne sais comment il se fit qu’au lieu de prendre place au piano suivant mon habitude, je me trouvai assis sur le canapé à côté de la baronne, qui m’interrogea immédiatement sur le danger que j’avais couru. Il résultait de sa question que la conversation, pour cette fois, l’emporterait sur la musique. Je racontai donc mon aventure, sans omettre combien le baron m’avait témoigné d’empressement, et même je ne cherchai pas à dissimuler que je ne m’y serais pas attendu de sa part. Alors, d’une voix douce et presque plaintive, Séraphine me dit :

« Oh ! le baron doit vous paraitre, en effet, bien altier et bien rude ; mais, croyez-moi, ce n’est que dans ce séjour sombre et sauvage, ce n’est que durant ces chasses dans les forêts froides et désertes qu’il change ainsi de nature, ou du moins de manières apparentes. Cette humeur violente et chagrine provient surtout de son idée fixe qu’il doit arriver ici quelque événement sinistre. C’est pour cela que cet accident, qui n’aura, Dieu merci, aucune suite fâcheuse, l’a si fortement frappé. Il tremble de voir ici exposé au plus petit danger le dernier de ses serviteurs, à plus forte raison, un ami cher et nouvellement acquis. Tenez, je suis certaine que Gottlieb, qu’il regarde comme coupable de n’avoir pas prévenu le danger que vous couriez, subira, sinon