Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/283

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et puis, surtout, répétez-lui le plus souvent possible le récit de votre apparition. La baronne s’y accoutumera, elle finira par oublier que le revenant hante ce château même, et cette histoire alors ne fera pas plus d’impression sur elle que tout autre conte de fées qui l’aurait divertie dans le premier roman venu. Vous entendez, mon cher ami ! » En disant ces mots, le baron me congédia, et je m’éloignai.

J’étais confondu, je me voyais avec dépit jouant le rôle d’un enfant insensé et sans conséquence. Moi qui avais cru follement le cœur du baron en proie à la jalousie ! et lui-même m’adresse à Séraphine, m’introduit près d’elle ; il ne voit en moi qu’un moyen, qu’un instrument passif qu’il emploie ou rejette suivant son caprice ! — Quelques minutes avant je redoutais le baron ; une voix secrète, au fond de ma conscience, me disait que j’étais coupable : mais cette culpabilité me faisait envisager, sous un jour plus brillant encore, la félicité de mon sort. Maintenant tout était plongé dans de noires ténèbres, et je ne voyais plus en moi qu’un enfant étourdi qui, dans sa naïve ignorance, avait pris pour un diadème d’or pur la couronne de papier dont il s’était décoré la tête.

J’allai trouver mon oncle, qui attendait mon retour. « Eh bien, cousin, me cria-t-il de loin, d’où viens-tu donc ? qu’es-tu devenu ? — J’ai eu un entretien avec monsieur le baron, répondis-je aussitôt, mais à voix basse et sans lever les yeux. — Oh ! sa- perlote ! répliqua-t-il d’un air stupéfait, j’avais prévu ce coup fâcheux : le baron t’aura appelé en duel,