Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/285

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domestique vint me présenter une assiette garnie de quelques bonbons, en me disant : « De la part de mademoiselle Adelheid. » Je la prends et je remarque aussitôt ces deux mots griffonnés au crayon sur une dragée : Et Séraphine ? — Un feu brûlant parcourut mes veines ; je tournai les yeux vers Adelheid, elle m’examinait avec une expression de finesse rusée : elle porta son verre à ses lèvres en m’adressant une légère inclination de tète. Je l’imitai, en murmurant tout bas, presque malgré moi, le nom de Séraphine, et je vidai mon verre d’un seul trait.

Mon regard errait autour de la table, je m’aperçus soudain qu’elle venait de boire au même moment que moi, et, comme elle déposait son verre, ses yeux rencontrèrent les miens. « Elle t’aime cependant ! malheureux !… » Ces mots, je les entendis chuchoter à mon oreille par quelque démon habitué à jouir à la vue des tortures du cœur humain !

Un des convives se leva, et, suivant l’usage consacré dans les pays du Nord, proposa la santé de la maîtresse de la maison. Les verres furent choqués avec de joyeux transports. J’avais le cœur brisé de ravissement et de désespoir. Le feu de l’ivresse s’empara de ma raison, et je me voyais, en présence de tout le monde, m’élançant à ses pieds pour y exhaler mon dernier soupir !… « Eh bien, qu’avez- vous donc, cher ami ? » Cette question de mon voisin me rappela à moi-même ; mais Séraphine avait disparu.

La table desservie, je voulais m’éloigner, mais Adelheid me retint forcément ; elle m’entretint de