Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un printemps froid et orageux, de sorte que la goutte entretenue par l’intempérie de la saison, plutôt que l’accident en question, retint pendant longtemps mon grand-oncle sur le lit de douleur. Il résolut en cette conjoncture de se débarrasser absolument des affaires, et il renonça à son emploi de justicier en faveur de personnes étrangères ; je perdais ainsi tout espoir de revoir jamais le château de R....sitten.

Le vieillard ne souffrait pas d’autres soins que les miens, et ce n’est qu’avec moi qu’il consentait à s’entretenir et à se dérider ; mais jamais dans ces heures de sérénité où il oubliait ses souffrances, quoiqu’il ne se fit pas faute de m’adresser mille railleries suivant sa coutume, quoiqu’il racontât même des histoires de chasse, à propos desquelles je m’attendais à chaque instant à le voir réitérer ses plaisanteries sur la fameuse aventure du loup que j’avais abattu, jamais il ne parla de notre séjour à R....sitten, et, comme on le concevra aisément, certaine timidité naturelle m’empêchait d’engager directement la conversation sur ce sujet. D’ailleurs mes tristes soucies et les soins assidus que je consacrais à mon grand-oncle m’avaient fait placer le portrait de Séraphine tout au fond de la scène de mon cœur.

En même temps que la maladie du vieillard allait en diminuant, je sentais se réveiller plus vivant le souvenir de cet instant de bonheur dans la chambre de la baronne, instant précieux qui m’apparaissait tel qu’une étoile radieuse éclipsée à jamais pour moi ! Une circonstance inattendue vint renouveler toutes mes douleurs