Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/317

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on lui apprit que le baron avait disparu, et qu’on le cherchait vainement depuis plusieurs heures. Il s’était mis au lit en présence du garde-chasse qui le servait, mais il avait dû se relever et sortir en robe de chambre et en pantoufles, avec un flambeau, car ces objets ne se retrouvaient pas chez lui.

Tourmenté d’un affreux pressentiment, V. courut à la Salle des Chevaliers ; c’était le cabinet adjacent que Wolfgang avait choisi pour y coucher, à l’exemple de son père. La porte de la salle, communiquant avec la tour, était toute grande ouverte : glacé d’effroi, V. s’écria hautement : « C’est au fond de cet abîme qu’il a trouvé une mort horrible ! » — C’était la vérité. Il avait neigé pendant la nuit, de sorte qu’on n’apercevait distinctement d’en haut qu’un bras raidi qui s’élevait entre les pierres.

Les ouvriers ne parvinrent qu’au bout de plusieurs heures, et au péril de leur vie, en descendant sur des échelles jointes les unes aux autres, à hisser, à l’aide de cordes, le cadavre hors du précipice. Le baron tenait encore dans sa main le flambeau d’argent qu’il avait fortement serré dans les convulsions de l’agonie, et c’était le seul membre qui fût resté intact. Tout le reste du corps était horriblement mutilé par l’effet du choc contre les pierres pointues. Hubert s’empressa d’accourir, portant sur ses traits tous les signes d’un profond désespoir. Lorsque le corps eut été enfin déposé sur une grande table, précisément à la même place où, peu de semaines avant, l’on avait exposé celui du vieux baron Roderich, Hubert,