Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/35

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le releva, et l’entoura de ses bras en s’écriant : « Ô mon père ! — mon père ! — j’étais là, j’ai tout entendu. — Avez-vous donc tout perdu ? tout ? — Et votre Angela, l’avez-vous donc oubliée ? à quoi bon des biens et de l’argent ? Angela ne saura-t-elle vous nourrir, vous soigner ? — Ô mon père ! ne vous abaissez pas davantage devant ce monstre méprisable. — Ce n’est pas nous, c’est lui qui reste pauvre et misérable au milieu de sa vaine richesse ; car il demeure en proie à un abandon affreux et mortel, sans un cœur sur la terre qu’il puisse serrer contre le sien, où il trouve à s’épancher, quand il désespère de sa vie et de son âme ! — Venez, mon père, quittez avec moi cette maison, venez : hâtons-nous de partir pour que cet homme abominable ne puisse se repaître plus long-temps de votre désespoir. »

Vertua tomba presque évanoui dans un fauteuil. Angela s’agenouilla devant lui, saisit ses mains et les couvrit de baisers et de caresses ; elle énuméra avec une prolixité naïve tous les petits talents, toutes les connaissances qu’elle possédait, et à l’aide desquels elle comptait rendre l’aisance à son père, le suppliant â chaudes larmes de bannir toute inquiétude, et protestant qu’à dater de ce jour seulement, la vie aurait à ses yeux un prix véritable, puisqu’au lieu de la dissiper en plaisirs, elle la consacrerait à broder, à coudre, à chanter, à jouer de la guitare, et tout cela par devoir, par piété filiale.

Quel pécheur endurci aurait pu rester indifférent en voyant Angela resplendissante d’une beauté céleste, en l’entendant consoler son vieux père de sa