Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/360

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corps paraissait n’être qu’un assemblage d’os et de nerfs. Il devait avoir été pourtant dans sa jeunesse un joli homme, car ses grands yeux noirs lançaient encore à son âge d’ardents rayons dont on avait peine à supporter l’éclat. Fort avancé dans la cinquantaine, il possédait encore l’adresse et la vigueur d’un jeune homme. Tous ses mouvements étaient vifs et résolus : dans l’escrime à l’épée et au sabre, il était supérieur aux plus habiles, et il maîtrisait le cheval le plus fougueux, jusqu’à le faire fléchir sous lui en gémissant. Il avait été autrefois major au service danois, et il s’était vu, disait-on, obligé de s’expatrier après avoir tué en duel son général. Plusieurs prétendaient que cela n’était pas arrivé en duel ; mais que, sur un mot offensant du général, le major lui avait passé son épée au travers du corps, sans lui laisser le temps de se mettre en garde. Bref, il s’était enfui du Danemarck, et exerçait au lycée équestre, avec le grade de major, les fonctions d’instructeur supérieur pour la fortification.

» Irascible au plus haut degré, il suffisait d’un mot, d’un coup d’œil pour le faire entrer en fureur. Il châtiait les élèves avec une rigueur systématique, et cependant tous lui étaient attachés d’une manière surprenante. Ainsi, une fois, le cruel traitement qu’il avait fait subir à l’un d’entre eux, en violation de tous les usages et réglements de la discipline, ayant éveillé l’attention des supérieurs, une enquête à ce sujet fut ordonnée. Mais l’élève puni n’accusa que lui-même, et plaida si chaleureusement la cause du mnjor, qu’on dut le tenir pour exempt de tout méfait.