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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/437

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la pauvre Adelgonde, il partit d’un éclat de rire, en disant que rien n’était plus facile à faire disparaître que cette aberration d’esprit, qui n’avait, selon lui, d’autre motif que l’exaltation d’un cerveau frappé. Cette illusion de l’apparition du fantôme était, disait-il, si étroitement liée dans l’idée d’Adelgonde aux sons de l’horloge sonnant à neuf heures du soir, qu’elle était devenue incapable de séparer mentalement ces deux sensations, et qu’il ne s’agissait par conséquent que d’opérer cette rupture par un expédient matériel. Rien n’était plus aisé à pratiquer en trompant la demoiselle sur l’heure vraie, et en laissant passer neuf heures sans qu’elle le sût. Si l’apparition n’avait pas lieu, elle concevrait elle-même le fondement de son erreur, et un régime physique fortifiant achèverait son heureuse guérison.

Le funeste conseil fut exécuté. — Une nuit, on recula d’une heure toutes les pendules, toutes les horloges du château, et même celle du village dont le bourdonnement sourd pouvait s’entendre au loin, de telle sorte qu’Adelgonde devait, dès l’instant de son réveil, se tromper d’une heure dans l’appréciation du temps. Le soir arriva. La famille était rassemblée comme de coutume dans un petit salon privé, d’un aspect gai et gracieux. Aucun étranger n’était présent. La mère d’Adelgonde affectait de raconter toutes sortes d’histoires plaisantes, et le colonel, suivant son habitude, surtout lorsqu’il était d’humeur joyeuse, se mit à taquiner un peu la vieille française, secondé en cela par Augusta, l’aînée des deux demoiselles.

On riait, tout le monde semblait plus gai que jamais…