Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/47

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étouffée : « Angola, ma chère Angela ! c’est impossible autrement ; il faut que j’obéisse au destin plus fort que moi. Mais demain, — demain tous tes tourments seront finis ; car, par la suprême puissance qui nous gouverne, oui, je le jure, je joue ce soir pour la dernière fois ! — Calme-toi, ma douce amie ; dors, rêve de jours paisibles, rêve d’une heureuse vie dont tu jouiras bientôt… cela me portera bonheur !… » En disant ces mots le chevalier embrassa sa femme et s’éloigna avec précipitation.

Deux tailles, et le chevalier avait tout perdu, — tout.

Il resta immobile près du colonel, et tenant fixé sur la table de jeu un regard morne et stupide.

« Vous ne pontez plus, chevalier ? » dit le colonel en mêlant les cartes, pour une nouvelle taille. — « J’ai tout perdu, » répliqua le chevalier avec une tranquillité forcée.

« Quoi ! n’avez-vous donc plus rien du tout ? » demanda le colonel à la taille suivante.

« Je suis un mendiant, » murmura le chevalier d’une voix tremblante de fureur et de désespoir, et les yeux toujours baissés sur la table sans qu’il remarquât que les joueurs gagnaient de plus en plus l’avantage sur le banquier.

Le colonel continua à jouer tranquillement.

« Mais vous avez une jolie femme, » dit à voix basse le colonel sans regarder le chevalier, et mêlant les cartes pour une autre taille.

« Que voulez-vous dire par-là ? » s’écria le chevalier