Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/49

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gagné ; j’ai consenti au marché : ainsi j’ai perdu le droit de faire la moindre opposition si ma femme veut me quitter pour vous suivre. Venez donc, et ayez le désespoir de vous voir repoussé avec horreur par elle, qui serait réduite auprès de vous au rôle d’une maîtresse éhontée !

— Désespérez vous-même, chevalier, répliqua le colonel d’un ton sardonique, si Angela vous renie, vous, l’homme vicieux et perdu, vous, qui n’avez fait que son malheur. — Désespérez vous-même, quand vous la verrez se précipiter dans mes bras joyeuse et ravie, quand vous apprendrez la consécration de notre union, et le bonheur qui doit couronner nos plus chers désirs ! — Vous me traitez de fou ! hoho ! chevalier, je ne voulais gagner que le droit de vous imposer mes prétentions. Le consentement de votre femme m’appartient. Oui, chevalier, j’en étais sûr d’avance : sachez que votre femme m’aime depuis longtemps, m’aime avec passion. Apprenez que je suis ce Duvernet, le fils du voisin, élevé avec Angela, uni à elle par un ardent amour, et séparé d’avec elle par vos séductions sataniques. — Ce ne fut, hélas, qu’à mon départ pour l’armée qu’Angela reconnut la sympathie qui nous liait ; j’ai tout appris, il était trop tard !… Une inspiration de l’enfer me dit que je parviendrais à vous ruiner au jeu : voilà pourquoi je m’y suis adonné. Je vous ai suivi jusqu’à Gènes et j’ai réussi ! Maintenant allons trouver votre femme ! »

Le chevalier était anéanti. Mille poignards lui déchiraient le cœur. Ce secret fatal lui était enfin révélé ;