Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/93

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Mademoiselle de Scudéry se taisait, et Cardillac, comme assiégé de pensées intimes et douloureuses, paraissait dans l’embarras de prendre une résolution. Il soupirait, passait la main sur son front, et se voilait les yeux, peut-être pour dérober des larmes prêtes à couler. Enfin, il saisit la cassette, puis s’agenouilla devant mademoiselle de Scudéry, et lui dit lentement : « C’est à vous, noble et digne demoiselle, que le sort a destiné cette parure. Oui, je me souviens maintenant que, pendant mon travail, j’étais occupé de vous, je la faisais à votre intention. Daignez donc, je vous prie, accepter de moi ces bijoux, le moins imparfait de tous mes ouvrages, et vous en parer quelquefois.

— Eh mais, à quoi pensez-vous, maître Réné, cela serait-il séant à mon àge de porter d’aussi élégants joyaux ? et en l’honneur de quel saint me feriez-vous, s’il vous plaît, un aussi riche cadeau ? Allez, allez, maître Réné, si j’avais de la fortune et la beauté de la marquise de Fontanges, je vous certifie que cette parure ne sortirait pas de mes mains ; mais à quoi bon ces magnifiques ornements pour des bras fanés, et l’éclat de ces pierreries pour un cou voilé ? » — Cardillac venait de se relever, et, présentant toujours la cassette à mademoiselle de Scudéry, il dit avec le regard farouche d’un homme hors de lui-même : « Mademoiselle ! faites-moi la grâce d’accepter cette parure, vous ne sauriez croire quelle vénération profonde je ressens du fond du cœur pour votre vertu, pour votre haut mérite. Acueillez donc ce modest présent, et puisse-t-il