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Contes

pect, mais le grand savait, à propos de choses en apparence insignifiantes, raconter des faits intéressants et curieux ; et quoiqu’il parût lutter contre la difficulté de s’exprimer, et qu’il se servit même quelquefois de mots impropres, cela donnait précisément à ses discours une originalité comique ; de sorte qu’il atténuait, en éveillant de plus en plus ma sympathie, l’impression désagréable que le petit faisait sur moi.

Celui-ci semblait mu intérieurement par mille ressorts, car il s’agitait en tout sens sur sa chaise, et ne cessait de gesticuler avec ses mains. Je remarquai distinctement qu’il me regardait tantôt avec un visage, tantôt avec un autre, et je sentis à cette vue une sueur froide couler de mes cheveux sur mon dos. Il prenait surtout sa figure de vieillard pour regarder souvent l’autre, dont l’air de calme et d’aisance contrastait singulièrement avec l’excessive mobilité du petit ; mais toutefois son aspect me parut alors moins effrayant que lorsqu’il m’avait envisagé moi-même la première fois.

Dans cette mascarade de la vie humaine, l’esprit pénètre souvent d’un regard subtil à travers le masque du visage, et reconnaît les esprits dont la nature est conforme à la sienne. Et c’est ainsi que nous trois, êtres à part, et rapprochés par le hasard dans ce sombre caveau, nous reconnûmes sans doute notre affinité réciproque. L’entretien prit donc cette tournure humoristique à laquelle provoquent les déceptions et les tortures mortelles de l’âme. – « Cela porte aussi son épine, dit le grand. – Eh, grand Dieu !