Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 3, trad. Egmont, 1836.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
de Hoffmann

À la fin, Érasme maîtrisant son trouble, et le cœur en proie à tous les tourments de l’amour, partit de son côté. Son petit valet le précédait muni d’une torche. Il arriva ainsi jusqu’à la rue écartée qui conduisait à sa demeure. Le crépuscule avait fait place à l’aurore, et le valet éteignit sa torche contre les dalles du pavé. Mais du milieu des étincelles surgit tout-à-coup une figure étrange qui se posa devant Erasme : un homme long et sec, avec le nez recourbé d’un hibou, des yeux étincelants, une bouche ironiquement contractée, et un justaucorps rouge écarlate, garni de boutons d’acier étincelants. Il s’écria en riant d’une voix glapissante : « Hoho ! – vous êtes apparemment échappé de quelque vieux livre d’estampes avec ce mantelet, ce pourpoint tailladé et votre toque à plumes. Vous avez un air vraiment plaisant, seigneur Érasme : mais voulez-vous donc servir de risée aux gens dans la rue ? Allez, allez ! rentrez tranquillement dans votre vieux bouquin, mon cher.

» Que vous importe mon costume ! » dit Érasme avec humeur. Et poussant de côté le drôle habillé de rouge, il poursuivait déjà son chemin, quand celui-ci cria derrière lui : « Là, là ! ne soyez pas si pressé : ce n’est pas à cette heure que vous pouvez vous rendre chez Giulietta. » Érasme fit volte-face. « Que parlez-vous de Giulietta ! » s’écria-t-il d’une voix farouche. Et il saisit en même temps le drôle rouge à la poitrine. Mais celui-ci tourna sur lui-même avec la rapidité de l’éclair ; et avant qu’Erasme s’en fût aperçu, il avait disparu.