Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/288

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à proclamer avec vanterie ce qu’il donne, et rougit de mentionner ce qu’il reçoit, de sorte qu’on voit souvent deux individus s’accuser réciproquement d’ingratitude au sujet de la même transaction. — Mon ami Scipion, qui n’avait pas non plus toujours bonne chance, était dans le temps au service d’un riche paysan, homme inculte et brutal, qui le laissait fort souvent à jeun, mais ne lui épargnait pas les coups de bâton. Un jour Scipion, dont le défaut capital n’était certes pas la gourmandise, uniquement poussé par la faim, avait vidé une terrine de lait à sa portée, et le paysan qui le surprit commença par le battre jusqu’au sang. Scipion s’enfuit précipitamment pour échapper à une mort certaine, car le rustre vindicatif s’était emparé déjà d’une fourche de fer, et il traversa le village à la course. Mais en passant devant l’étang du moulin, il vit tomber dans les flots le fils du paysan, un enfant de trois ans qui s’amusait à jouer au bord de l’eau. Scipion, d’un bond rapide, s’élance dans l’étang, saisit avec ses dents l’enfant par ses vêtements, et le rapporte sain et sauf sur l’herbe du rivage, où bientôt il reprit ses sens en souriant à son libérateur et le caressant. Alors Scipion reprit bien vite son élan pour s’éloigner à jamais du village. Vois-tu, mon ami, c’est là ce qui s’appelle un service rendu par pure amitié. Pardonne-moi de ne pas m’être rappelé tout d’abord un trait semblable chez un homme.

MOI.

En dépit de ton antipathie pour ces pauvres