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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/33

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de telle sorte que je vis s’y réfléchir la maison déserte, la croisée et l’angélique figure de ma vision avec les traits les plus distincts. Je m’empressai d’acheter ce miroir, au moyen duquel je pouvais tout à mon aise observer la maison sans provoquer l’attention des passants.

Mais en contemplant de plus en plus fixement la figure de la fenêtre, une sensation singulière et indéfinissable, que je ne saurais mieux comparer qu’à un rêve éveillé, s’empara de moi. Il me semblait qu’un accès de catalepsie eût paralysé non pas mes mouvements, mais ma faculté visuelle, de telle sorte qu’il m’était devenu impossible de détourner mes yeux du miroir. Je vous l’avouerai â ma honté, je me rappelai alors le vieux conte de nourrice au moyen duquel dans mon enfance ma bonne me foi ? sait bien vite gagner mon lit, quand par hasard je m’amusais à me mirer trop long-temps dans le grand miroir de la chambre de mon père. Elle ne manquait pas de me dire qu’une laide figure étrangère apparaissait dans la glace aux enfants qui s’y miraient pendant la nuit, et rendait leurs yeux à jamais immobiles. Cela me causait une mortelle frayeur, mais je ne pouvais pourtant pas m’empêcher de cligner de l’œil chaque soir vers le miroir, tant j’étais curieux d’apercevoir la mystérieuse figure. Une fois, je crus en effet voir scintiller au fond de la glaée deux yeux ardents et terribles ; je poussai un cri et je tombai sans connaissance ! Cet accident détermina Une longue et douloureuse maladie ; Eh bien, encore à présent il me semble que j’ai vu réellement les deux