Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/141

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disaient-ils, voilà bien le criminel complice de Mas’Aniello, qui se fait l’agent empressé de tous les mauvais coups, de toutes les machinations, et dont le séjour à Rome aura bientôt pour nous de funestes conséquences. »

La ligue des envieux ameutés contre Salvator ne réussit que trop bien à entraver les progrès de sa renommée jadis si florissante. — On vit sortir de son atelier plusieurs tableaux, aussi supérieurement exécutés que hardiment conçus ; mais à la vue desquels ces prétendus connaisseurs haussèrent les épaules, trouvant tantôt les fonds trop bleus, tantôt les arbres trop verts, les figures ici trop longues, là trop massives, blâmant enfin tout ce qui était exempt de reproche, et n’omettant rien pour ravaler le mérite si incontestable de Salvator.

Les Académiciens de San-Luca, qui ne pouvaient lui pardonner l’avanie du chirurgien, étaient à la tête de ses détracteurs, et même, usurpant pour lui nuire d’autres attributions que les leurs, ils dénigrèrent jusqu’aux vers réellement charmants que Salvator écrivit alors, et ne rougirent pas d’insinuer qu’ils étaient le produit de honteux plagiats, et non les fruits d’une verve originale.9

Cette persécution ne permit pas à Salvator de reconquérir à Rome l’aisance et l’éclat dont il avait jadis vécu entouré. En place de son superbe atelier, où il recevait la visite des Romains les plus distingués, il dut rester chez dame Catterina, à l’ombre du vert figuier, et cette modeste position lui offrait plutôt encore quelques chances de consolation et de tranquillité.