Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/152

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Signor Pasquale suivait en chancelant, accablé de douleur, gémissant tout haut, se déchirant la poitrine, et s’écriant avec désolation : « Marianna ! oh, Marianna ! »

Aussitôt que le véritable Capuzzi eut aperçu le cadavre de sa nièce, il éclata en de lamentables sanglots, et les deux vieillards, l’un sur le théâtre, l’autre dans l’auditoire, faisaient entendre des hurlements à fendre le cœur, criant à l’envi : « Oh, Marianna ! oh, malheureux que je suis ! Ah !… malheur à moi… Malheur à moi… Ah !… »

Qu’on s’imagine en effet ce cercueil ouvert, avec le corps mort de l’aimable enfant, entouré d’hommes vêtus de deuil, psalmodiant, d’un ton funèbre et effrayant, leur de profundis, et puis Pasquarello et le docteur Graziano, sous leurs masques grotesques, exprimant leur affliction par la pantomime la plus risible, et les deux Capuzzi confondant leurs clameurs de désespoir, — on concevra que tous les témoins de cette scène bizarre devaient, malgré eux, éclater de rire aux dépens de Pasquale, et éprouver en même temps un serrement de cœur des plus pénibles.

Tout à coup le théâtre s’obscurcit, on entendit le fracas de la foudre mêlé d’éclairs, et du fond de la scène on vit s’élever une ombre à la figure pâle, reconnaissable à certains traits pour Pietro, le père de Marianna, ce frère de Capuzzi, mort à Senigaglia.

« Infâme Pasquale ! cria le spectre d’un ton épouvantable, qu’as-lu fait de ma fille ? Malédiction sur