Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/177

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t’a fait tomber là, sur ce froid pavé… — Le bras est guéri, le voilà guéri ! » — Antonio reconnut dans la petite vieille une mendiante singulière accoutumée à demander l’aumône aux fidèles sur les marches de l’église des Franciscains, et à qui lui-même avait jeté mainte fois un quattrino gagné à la sueur de son front, et qui n’était guère superflu dans sa poche, cédant, malgré lui, à une impulsion secrète et indéfinissable. « Laisse-moi en paix, dit-il, vieille folle : oui, sans doute, c’est la faim plutôt que ma blessure qui m’a fait défaillir et m’a mis dans ce pitoyable état. Depuis trois jours je n’ai pas gagné un quattrino. — Je voulais aller au couvent, là-bas, et tâcher d’attraper une cuillerée de la soupe de l’hospice ; mais tous les camarades sont partis, pas un qui m’ait pris par pitié sur sa barque. Je me suis donc abattu ici, et probablement pour ne jamais me relever. — Hi, hi, hi, hi ! ricana la vieille, pourquoi se désespérer sans retour ? pourquoi se décourager si vite ? Tu as faim, tu as soif ? j’ai remède à cela. Voici de beaux petits poissons secs que j’ai achetés aujourd’hui même à la Zecca4, voici de la limonade, voici un joli petit pain blanc : mange, mon enfant, mange et bois, mon fils chéri ! nous examinerons ensuite la blessure de ton bras. »

La vieille, en effet, tout en parlant ainsi, avait tiré du sac qui lui pendait derrière le dos comme un capuchon, et qui dépassait de beaucoup sa tête inclinée par l’âge, des poissons, du pain et de la limonade. Antonio eut à peine humecté ses lèvres brûlantes de la fraiche boisson que sa faim se