Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/231

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ziata un favorable message. Enfin la vieille arriva en clopinant, s’assit toute essoufflée dans le fauteuil, frappa dans ses mains décharnées et osseuses, et s’écria : — « Tonino ! ah ! Tonino, qu’est-il donc arrivé à notre pauvre colombe ? — En entrant aujourd’hui je la vois étendue sur les coussins, les yeux à demi-fermés, sa petite tête appuyée sur son bras, ne dormant ni ne veillant, ni malade ni bien portante ; je m’approchai d’elle : Ah ! ma gracieuse dame et dogaresse, lui dis-je, que vous est-il donc arrivé de fâcheux ? votre blessure, à peine guérie, vous causerait-elle quelque douleur ? — Mais elle me regarde avec des yeux… Tonino ! comme elle n’avait jamais fait, et à peine eus-je entrevu ces humides rayons de la lune, qu’ils se dérobèrent sous ses cils soyeux comme derrière un nuage obscur. Alors elle soupira du plus profond de sa poitrine, et, tournant contre le mur son charmant et pâle visage, elle murmura doucement, tout doucement ; mais d’un ton si déchirant que le cœur m’en saigne : Amare, amare ! ah ! senza amare !… Je vais prendre une chaise basse, je m’asseois auprès d’elle et je commence à parler de toi. — Aussitôt elle se cache sous les coussins ; sa respiration, de plus en plus pressée, se change en sanglots… Je lui dis enfin ouvertement que tu étais déguisé dans sa gondole, et que, sans plus tarder, j’allais t’amener devant elle, peignant l’amour et l’ardeur qui te consument. Mais tout-â-coup elle s’est levée vivement sur son séant et s’est écriée avec énergie, tandis que des larmes brûlantes tombaient de ses y eux par torrents : Au nom du Christ, au