Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/256

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d’Antonia, à ce concert nocturne, est devenu dans le public une tradition qui émeut l’âme et l’imagination d’un enthousiasme sans pareil, et il n’est pas rare que ceux même qui ne l’ont pas entendu disent ici, après le début de quelque cantatrice : « Qu’est-ce que ce glapissement banal ? Antonia seule sait chanter ! » —

Vous savez combien j’ai l’esprit vivement frappé de toutes ces choses fantastiques, et vous pouvez imaginer s’il me parut important de faire la connaissance d’Antonia. J’avais déjà souvent recueilli moi-même dans le public ces propos sur le chant de la jeune fille, mais je ne soupçonnais pas que la merveilleuse Antonia fût dans la ville et en la puissance de ce fou de Krespel, comme entre les mains d’un magicien tyrannique. La nuit suivante, j’entendis naturellement en rêve le chant d’Antonia, qui me suppliait de la manière la plus touchante de venir à son secours, et cela dans un magnifique adagio que, par une illusion ridicule, je croyais avoir composé moi-même. Je fus donc bientôt résolu à pénétrer, nouvel Astolfe, dans la maison de Krespel, comme dans le palais enchanté d’Alcine, pour délivrer la reine du chant de son odieuse captivité.

Tout se passa autrement que je ne l’avais supposé ; car à peine eus-je vu le conseiller deux ou trois fois, et causé avec lui de la meilleure structure des violons qu’il m’invita de lui-même à venir le visiter chez lui ; je n’y manquai pas, et il me fit voir sa riche collection de violons. Il y en avait bien trente d’accrochés dans un cabinet. Un d’eux, entre tous,