Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/260

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nai aisément que cela n’avait pour but que de me détourner de l’inviter à chanter ; je ne me rebutai pas. Les obstacles que m’opposait le conseiller accrurent mon courage et ma résolution de les vaincre. J’avais besoin d’entendre le chant d’Antonia pour échapper aux tourments dont me rendaient le jouet de vaines suppositions et mes rêves à ce sujet.

Un soir, Krespel était d’une humeur tout à fait réjouie ; il venait de démonter un vieux violon de Crémone, et avait trouvé l’âme inclinée d’une demi ligne de plus qu’à l’ordinaire. Découverte inappréciable et d’une importance majeure pour la pratique ! Je réussis à l’échauffer au sujet de la vraie manière de jouer du violon. L’exécution des célèbres et dignes virtuoses, que citait Krespel pour les avoir entendus, amena tout naturellement la remarque qu’aujourd’hui le chant, au contraire, se modelait sur les roulades prétentieuses et les traits heurtés des instrumentistes. « Quoi de plus absurde ? m’écriai-je, en m’élanoant de ma chaise au piano et l’ouvrant avec promptitude, quoi de plus absurde que ces procédés bizarres qui, loin d’être de la musique, ressemblent au bruit que font des pois renversés par terre ? » Là-dessus, je répétai, en les accompagnant de quelques méchants accords, plusieurs de ces finales modernes, qui courent par bonds et traverses, bourdonnant à l’oreille comme une toupie vigoureusement lancée. Krespel riait aux éclats, et il s’écria : « Ha ! ha ! il me semble entendre nos Italiens germanisés, ou nos Allemands