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Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/263

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mes qui entonnaient un chant sacré. — Qu’est-ce que cela ? qu’est-ce que cela ? » m’écriai-je, frappé comme de l’atteinte d’un brûlant coup de poignard. — « Ne le voyez vous pas ? répondit le postillon qui était à mes côtés, ne le voyez-vous pas ? là-bas, dans le cimetière, quelqu’un qu’on enterre. » En effet, nous dominions le cimetière, et je vis un cercle de gens vêtus de noir autour d’une fosse qu’on était en train de combler. Les larmes jaillirent de mes yeux, il me semblait qu’on enterrait là-bas tout un monde de joie et de bonheur. En descendant avec célérité la pente de la colline, je perdis de vue le cimetière, le chœur se tut, et je rencontrai, à peu de distance de la porte de la ville, des personnes en deuil qui revenaient de l’enterrement. Le professeur donnant le bras à sa nièce, tous deux en grand deuil, passa tout près de moi sans me remarquer. La jeune fllle tenait son mouchoir sur son visage inondé de pleurs.

Je ne pus me résoudre à pénétrer dans la ville. J’envoyai mon domestique avec la voiture à l’auberge accoutumée, et je courus vers la demeure que je connaissais bien, pour me délivrer, par mon propre témoignage, de cette impression de tristesse, qui peut-être n’avait que des causes purement physiques, comme l’échauffement du voyage, etc. — Dans une avenue du jardin conduisant à un pavillon d’agrément, le spectacle le plus singulier s’offrit à ma vue. Le conseiller Krespel était conduit par deux hommes en deuil, auxquels il paraissait vouloir échapper en faisant les sauts les plus extraordi-