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Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/267

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caractères explicites. La mort subite d’Antonia doit assurément l’avoir frappé. Néanmoins, je parie que le conseiller reprendra, dès demain, son allure routinière, comme l’âne qui rentre dans l’ornière favorite en dépit de tout. » — La prédiction du professeur se réalisa presqu’entièrement. Le jour suivant le conseiller se montra le même que d’habitude ; seulement il déclara qu’il ne fabriquerait plus de violons et ne jouerait plus sur aucun.

J’ai su depuis qu’il avait tenu parole.

Les réflexions du professeur m’affermirent dans ma conviction intérieure que les rapports d’Antonia avec le conseiller, tenus secrets avec tant de soin, et que sa mort même, devaient cacher un méfait odieux et faire peser sur la conscience de Krespel un remords incurable. Je résolus de ne pas quitter H.... sans lui reprocher le crime que je soupçonnais ; je voulais l’ébranler jusqu’au fond de l’âme et lui arracher ainsi l’aveu de cet horrible forfait. Plus j’y réfléchissais, plus il me paraissait évident que cet homme devait être un scélérat ; et plus véhémente, plus pathétique se formulait en moi l’allocution que je me proposais de lui faire, au point qu’elle prit ainsi d’elle-même les développements et tous les caractères d’un vrai chef-d’œuvre de rhétorique. Monté de la sorte, et encore dans le feu du transport, je courus chez le conseiller. Je le trouvai occupé à tourner des jouets d’enfants avec un visage calme et riant. « Comment ! m’écriai-je en l’abordant, comment peut-il y avoir un seul moment de paix dans votre âme, au souvenir de l’action épouvantable