Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/291

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promenait autour de lui des regards très-intelligents, et qu’une large dose de sagesse trouverait sa place entre les deux cornes de son front. Si l’enfant ne pouvait devenir conseiller, il serait peut-être en revanche un savant profond, un docteur renommé, gens auxquels ne messied pas la laideur, qui leur procure, au contraire, plus de considération.

Il était bien naturel que M. Lutkens, au fond du cœur, attribuât son infortune à la vieille Barbara Rolloffin, surtout quand il sut que pendant l’accouchement de sa femme, elle était venue s’asseoir au seuil de sa maison, et lorsque madame Lutkens, en outre, lui assura, en fondant en pleurs, que pendant les douleurs de l’enfantement elle avait toujours eu devant les yeux le visage repoussant de la vieille Barbara, sans pouvoir se débarrasser de cette vision.

Les soupçons de M. Lutkens avaient trop peu de fondement pour motiver une accusation en justice ; mais le ciel voulut que, peu de temps après, tous les crimes de la vieille Barbara Rolloffin fussent découverts.

Il arriva à cette époque, vers l’heure de midi, qu’un orage épouvantable éclata avec des tourbillons d’un vent impétueux ; et, en présence des passants, Barbara Rolloffin, qui se rendait justement auprès d’une femme en couche, fut emportée par les airs avec un grand fracas, par-dessus les toits et les clochers ; puis on la retrouva déposée, sans nul accident, au milieu d’une prairie hors de Berlin.

Dés-lors, il n’y eut plus moyen de douter des sortilèges malfaisants de la vieille Barbara Rolloffin ;