Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/302

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périeure. Sa bouche de travers se contracte souvent d’un rire sardonique, alors apparaissent sur les pommettes de ses joues deux taches d’un rouge foncé, et un sifflement très-extraordinaire se fait passage à travers ses dents serrées. — Coppelius portait constamment un habit gris de cendre coupé à l’antique mode, la veste et la culotte pareilles, mais avec cela des bas noirs et des petites boucles à pierreries sur ses souliers. Sa petite perruque lui couvrait à peine le sommet de la tête, les rouleaux étaient loin d’atteindre à ses grandes oreilles rouges, et une large bourse cousue se détachait de sa nuque, laissant à découvert la boucle d’argent qui assujettissait sa cravate chiffonnée. — Toute sa personne, en un mot, était affreuse et repoussante. Mais ce qui nous déplaisait le plus en lui, à nous autres enfants, c’étaient ses gros poings osseux et velus, au point que nous ne voulions plus de ce qu’il avait touché de ses mains. Il s’en était aperçu, et ce fut alors une jouissance pour lui, quand notre bonne mère nous mettait à la dérobée sur notre assiette un morceau de gâteau ou quelque fruit confit, d’y porter la main sous quelque prétexte, de sorte que, les larmes aux yeux, nous rebutions de dégoût et d’horreur les friandises qui devaient nous combler d’aise. Il en faisait autant, lorsque notre père, aux jours de fête, nous avait versé un petit verre de vin sucré ; il passait vite son poing par-dessus, ou même il portait parfois le verre à ses lèvres bleuâtres, et riait d’un air vraiment diabolique à voir notre répugnance muette et les sanglots étouffés qui manifestaient