Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/304

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tant son habit bas. Mon père, sans rien dire et d’un air soucieux, ôta sa robe de chambre, et tous deux s’affublèrent de longs et noirs sarreaux. Je remarquai d’où ils les avaient tirés. Mon père avait ouvert le battant d’une armoire pratiquée dans la muraille ; mais je vis que ce que j’avais pris si long-temps pour un placard était, non pas une armoire, mais plutôt un enfoncement obscur dans lequel on avait pratiqué un petit fourneau.

» Coppelius s’approcha, et une flamme bleue s’éleva en pétillant au-dessus du foyer. Toutes sortes d’ustensiles étranges étaient épars çà et là. Ah, Dieu !… lorsque mon vieux père se pencha sur ce fourneau, il avait une toute autre expression de figure. Il semblait qu’une douleur horrible et convulsive contractait ses traits doux et honnêtes en l’image repoussante et hideuse du diable ; il ressemblait à Coppelius ! Ce dernier brandissait des tenailles ardentes et retirait de l’épaisse vapeur des morceaux d’une matière brillante qu’il martelait ensuite assidûment. Je croyais à tout moment distinguer des visages humains, mais dépourvus d’yeux : à leur place d’affreuses cavités, noires, profondes. — « Des yeux ici, des yeux ! » s’écria Coppelius d’une voix sourde et tonnante à la fois. — Saisi d’une indicible horreur, je jetai un cri perçant et je tombai de ma cachette sur le plancher. Soudain Coppelius me saisit : « Petite bête, petite bête ! » s’écria-t-il en grinçant des dents ; il me souleva et m’étendit sur le fourneau de telle façon que la flamme commençait à me brûler les cheveux. « À présent nous avons