Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/312

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non pas d’une pensée peut-être absurde, mais de ma maladresse à l’exprimer.

» Existe-t-il une puissance occulte capable de prendre sur notre âme un ascendant tellement perfide et malfaisant, qu’il nous entraîne dans une voie périlleuse et de désastre, qui, sans cela, nous fût restée inconnue à jamais ? — Si cette puissance existe, il faut alors qu’elle s’assimile à nous-même, qu’elle devienne, pour ainsi dire, notre propre essence ; car ce n’est qu’ainsi que nous pouvons y ajouter foi, et la laisser maîtresse d’accomplir son œuvre mystérieuse. Mais si, doués d’un esprit assez fort et d’une conscience inflexible, nous apprécions constamment le maléfice d’une pareille influence, et si nous poursuivons d’un pas tranquille la route que nous ont tracée notre nature et nos inclinations ; alors cette puissance occulte succombe en de vains efforts pour nous susciter un ennemi sous l’apparence d’un fantôme à notre image. « Il est hors de doute, ajoute Lothaire, que cette puissance occulte matérielle, quand nous avons accepté son joug, fascine souvent notre imagination au sujet de certaines figures étrangères que nous rencontrons par hasard dans le monde extérieur, de telle sorte que, par une illusion magique, ces figures nous semblent animées d’un esprit, dont nous sommes nous-mêmes le véritable mobile. Ainsi notre propre image altérée, mais intimement unie au moi réel qu’elle tient sous sa dépendance, tantôt nous plonge au fond des enfers, tantôt nous ravit jusqu’aux cieux. » — Tu vois, mon bien-aimé Nathanael, que frère Lothaire et moi nous