Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/324

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et inintelligibles, presqu’informes, et il sentait bien, lors même que Clara pour l’épargner s’abstenait de donner son avis, qu’elles étaient loin de l’intéresser. En effet, rien n’agissait plus mortellement sur Clara que l’ennui. Dans son regard et dans sa parole se lisait alors un assoupissement intellectuel invincible. Et les compositions de Nathanael étaient réellement fort ennuyeuses. Sa mauvaise humeur contre l’âme prosaïque et froide de Clara s’accrut de jour en jour ; Clara de son côté ne pouvait surmonter la sienne contre le mysticisme obscur, sombre et fastidieux de Nathanael ; leurs cœurs s’éloignaient ainsi l’un de l’autre insensiblement, et sans qu’ils y prissent garde.

Nathanael était obligé de s’avouer à lui-même que l’image de l’affreux Coppelius avait pâli dans son imagination, et souvent il avait de la peine à la revêtir de couleurs bien vives dans ses essais de poésie, où il faisait jouer à son fantôme le rôle d’un destin pernicieux. Cependant il lui vint à l’esprit de composer un poème sur la sombre intervention que ses pressentiments attribuaient à Coppelius dans ses amours. Il se représenta, lui et Clara, unis d’une tendresse pure et constante. Mais par intervalles, une influence funeste apparaissait pour les priver de quelque bonheur prêt à s’offrir à eux. Enfin, au moment où ils marchent ensemble à l’autel, le terrible Coppelius se montre, et touche de sa main hideuse les yeux charmants de Clara ; aussitôt ils sortent de leur orbite et, comme des charbons rouges et embrasés, tombent sur la poitrine de Natha-