Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/337

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toute particulière et à la précision rhythmique avec laquelle dansait Olympie, combien le vrai sentiment de la mesure lui était étranger, et plus d’une fois il perdit contenance, dérouté par son partner. Il renonça pourtant à danser avec tout autre femme, et il aurait voulu tuer sur la place le premier qui s’approcha d’Olympie pour l’inviter ; mais cela n’arriva que deux fois à son grand étonnement. Olympie demeura ensuite constamment assise, et lui ne manqua pas de l’inviter encore plusieurs fois.

Si Nathanael avait été capable de s’occuper d’autre chose que d’Olympie, il se serait trouvé inévitablement engagé dans toutes sortes de différents et de querelles fâcheuses ; car, çà et là, s’échappaient mille rires moqueurs et comprimés qui s’adressaient visiblement à la belle Olympie, et les jeunes gens la poursuivaient de regards tout-à-fait étranges et dont on ne devinait pas la cause. Toutefois, Nathanael, échauffé par la danse et par de copieuses libations, avait déposé toute sa timidité habituelle. Il était assis à côté d’Olympie, sa main dans la sienne, et dans son exaltation, il parlait de son ardent amour en termes aussi incompréhensibles pour lui que pour Olympie. Elle pourtant le comprenait peut-être ; car elle le considérait en face et soupirait sans cesse : « Ha ! — ha ! — ha ! » À quoi Nathanael répliquait plein d’ivresse : « Ô toi ! femme sublime et céleste ! — pur rayon de la félicité promise dans l’autre monde ! — ô toi ! âme profonde où se réfléchit tout mon être !… » et ainsi de suite ; mais Olympie continuait toujours à soupirer : « Ha ! — ha !… »