Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/426

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s’approcher de lui, il cria d’une voix terrible : « Arriére ! — loin de moi ! crois-tu donc que je serai assez sot de subir une mort douloureuse pour votre bon plaisir ? — mon heure n’est pas encore venue. » — Le bois du bûcher commença alors à pétiller ; mais à peine la flamme eut-elle atteint le niveau du condammé, qu’elle s’abattit tout d’un coup comme celle d’un feu de paille, et qu’on entendit partir d’un monticule voisin un éclat de rire sardonique et prolongé. Tout le monde regarda de ce côté, et la foule fut frappée de stupeur en voyant le docteur Trabacchio, en personne, avec son habillement noir, son manteau galonné d’or, la rapière au côté, son chapeau espagnol retroussé, à plume rouge, sur l’oreille, et sa cassette sous le bras, tel enfin absolument qu’il avait l’habitude de parcourir les rues de Naples. Des cavaliers, des sbires, et cent autres personnes du peuple se précipitèrent vers l’éminence qu’il occupait ; mais Trabacchio avait disparu. — La vieille exhala son âme au milieu d’horribles tourments, et des plus affreuses imprécations contre le maître infâme de qui elle avait partagé les crimes sans nombre.

Or, Ignace Denner n’était autre que le propre fils du docteur, qui avait échappé à l’incendie, grâce aux secrets de magie qu’il tenait de son père, avec une petite caisse pleine des produits les plus précieux de son art cabalistique et infernal. Son père l’instruisait, depuis sa plus tendre jeuesse, dans les sciences occultes, et déjà son âme était voué et promise au diable, avant même qu’il eût atteint l’âge