Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

regard angélique et rayonnant des joies célestes, que la Madeleine d’Antonio, comme tout le monde s’accorde à l’affirmer ?

« Je n’en sais rien ! répondit le vieux d’un ton encore plus bourru qu’avant ; mais laissons-là ma nièce une fois pour toutes. N’avous-nous pas un sujet d’entretien plus intéressant dans l’art précieux auquel me raméne le charme de ce joli tableau ? »

— Cependant Salvator, chaque fois que le vieux jaloux se disposait à boire, réitérant ses questions sur la jolie Marianne, Capuzzi sauta à la fin de sa chaise, exaspéré, renversa la coupe sur la table si violemment qu’il faillit la briser, et cria d’une voix aigre : « Par l’infernal et noir Pluton ! par toutes les furies de l’enfer ! vous me faites du poison de ce vin ; — ouais ! je m’aperçois que, de concert avec l’impertinent Antonio, vous voulez vous jouer de moi, mais cela vous réussira mal. — Payez-moi sur-le-champ les dix ducats que vous me devez, et que je vous abandonne à tous les diables vous et votre digne acolyte Antonio. »

Salvator aussitôt s’exclamant comme emporté par le courroux le plus violent : « Quoi ! vous osez me traiter de la sorte dans ma demeure ? — Moi vous payer dix ducats pour cette carcasse pourrie dont les vers ont pompé dès longtemps toute la moelle et tous les sons ! — Dix ducats ! pas même cinq, — pas mème trois, pas même un seul de votre épinette ; mais elle ne vaut pas un quattrino ! Hors d’ici cette machine démembrée ! — et en même temps Salvator chassait des pieds, tout autour de la chambre, le pitoyable ins-