Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/92

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gémir, se plaignant d’un vif redoublement de ses douleurs maudites.

L’aube naissante rayonnait au travers des carreaux ; Antonio prévint Capuzzi que l’heure était venue de le transporter à la rue Ripetta. Signor Pasquale répondit par un soupir piteux et étouffé. Salvator et Antonio le soulevèrent et le couvrirent d’un vaste manteau, que fournit dame Catterina de la défroque de son défunt mari. — Le vieux se confondit en supplications pour se faire ôter les serviettes trempées d’eau glacée dont sa pauvre tête chauve était enveloppée, et pour reprendre sa perruque et son chapeau à plumes, voulant aussi qu’Antonio lui rajustât sa moustache, afin que Marianna ne fût pas tant effrayée à sa vue. — Deux porteurs avec une civière attendaient tout prêts à la porte. Dame Catterina, sans cesser de sermoner Capuzzi, et accumulant toujours force proverbes, descendit des matelas, et le vieux, bien emballé et escorté de Salvator et d’Antonio, fut porté jusqu’à sa demeure.

Marianna n’eut pas plutôt aperçu son oncle dans cet état pitoyable, qu’elle jeta des cris perçants, fondit en larmes, et, sans faire attention à ses compagnons, au bien-aimé, saisit les mains du vieillard qu’elle porta à ses lèvres en déplorant l’épouvantable malheur qui lui était arrivé. Telle était la profonde compassion de la sensible et généreuse enfant pour celui qui la tourmentait et la persécutait avec sa frénésie amoureuse. Mais à l’instant même se manifesta l’instinct intime du caractère féminin ; car il suffit d’un coup-d’œil significatif de Salvator, pour