Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/284

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besoins ; qu’elle n’en souhaitait pas d’autre, et qu’elle la changerait contre une plus grande dans le cas où il lui faudrait une garde-malade.

Le bourgmestre avait comparé cette étroite chambre à une cellule, et dès le lendemain la comparaison se trouvait exacte. Célestine avait suspendu au mur une image de Marie, et sur la vieille table de bois qui était au-dessous elle avait placé un crucifix. Le lit consistait en un sac de paille, une couverture de laine, et, excepté un escabeau de bois et une seconde petite table, Célestine refusa toute espèce de meubles.

La maîtresse de la maison, réconciliée avec l’étrangère par la compassion que lui causait la douleur profonde et déchirante peinte dans tout son maintien, crut devoir lui rendre visite, pour se conformer aux usages reçus ; mais l’étrangère la pria avec les instances les plus attendrissantes de ne pas troubler sa solitude, dans laquelle elle trouvait des consolations auprès de la Vierge et des saints.

Tous les matins, dès la pointe du jour, Célestine se rendait à l’église des Carmes pour entendre la première messe. Elle semblait consacrer le reste du jour à des exercices de dévotion ; car toutes les fois qu’on avait besoin d’entrer dans sa chambre, on la trouvait occupée à prier ou à lire des livres de piété. Elle refusait tout autre mets que des légumes, toute autre boisson que de l’eau. Le bourgmestre lui représenta que sa situation, sa manière d’être, la conservation de sa vie demandaient une meilleure nourriture, mais ce ne fut qu’à force de supplications qu’il parvint à lui faire accepter un peu de bouillon et de vin.

Les gens de la maison regardaient cette vie austère, claustrale, comme l’expiation d’une faute grave ; toutefois ils se sentaient pénétrés pour l’étrangère d’une commisération intérieure et d’une vénération profonde, que contribuaient à accroître la noblesse de ses manières et la grâce entraînante de tous ses mouvements.

Mais sa persistance à ne jamais lever son voile, l’impossibilité où l’on était de voir son visage mêlaient une sorte de terreur à ces sentiments pour la sainte étrangère. Personne ne l’approchait, si ce n’est le bourgmestre et la partie féminine de sa famille ; et ces personnes, qui n’étaient jamais sorties de leur petite ville, n’auraient pu reconnaître les traits d’une figure qu’elles n’avaient jamais vue, et arriver à découvrir le mystère. Ainsi à quoi bon ce voile ?