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Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/292

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m’aveugler et m’égarer ? quel démon m’a fait croire qu’il m’était possible de vivre sans celui qui seul est ma vie ! je l’ai envoyé à la mort !... Il ne reviendra pas !...

C’était ainsi qu’Herménégilde exhalait les douleurs orageuses qui bouleversaient son âme. Sans sommeil, incapable de prendre le moindre repos, elle errait la nuit dans le parc, et comme si le vent eût pu porter ses paroles à son ami éloigné, elle s’écriait : — Stanislas ! Stanislas ! reviens !… c’est moi, c’est Herménégilde qui t’appelle ! ne m’entends-tu pas ? reviens, ou je vais mourir d’inquiétude, d’amour et de désespoir !


V

L’agitation d’Herménégilde menaçait de dégénérer en une véritable folie qui se manifestait par mille extravagances. Le comte Népomucène, rempli de chagrin et d’anxiété par l’état de sa chère fille, crut que les secours de l’art médical lui seraient peut-être salutaires, et il réussit à trouver un docteur qui voulut bien passer quelque temps au château et prendre soin de la malade.

Quelque sagement combinée que fût sa méthode plutôt morale que physique, elle ne produisit aucun résultat ; et il devint douteux qu’on pût jamais parvenir à guérir Herménégilde, car après d’assez longs intervalles de tranquillité elle retombait à l’improviste dans les plus étranges paroxysmes.

Une aventure particulière donna une nouvelle tournure à la maladie d’Herménégilde.

Elle avait une petite poupée habillée en hulan à laquelle elle témoignait une vive tendresse et prodiguait les noms les plus doux, comme si c’eût été son bien-aimé. Elle la jeta au feu de dépit, parce que, sur son invitation, cette poupée n’avait pas voulu chanter :

Podrosz twoia nam nie mila
Milsza przyiazin w kraiu byla.1