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Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/308

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Elle tira de son doigt un anneau qu’elle présenta au prêtre. Je la pris, et donnai à Herménégilde un anneau d’or que j’ôtai de mon doigt. Puis elle se laissa tomber dans mes bras avec toutes les marques du plus brûlant amour... Lorsque je m’enfuis, elle était dans un profond assoupissement.

— Misérable ! crime horrible ! s’éçria la princesse hors d’elle-même.

Le comte Népomucène et le prince entrèrent, apprirent en peu de mots les aveux de Xavier, et la délicatesse de la princesse fut vivement blessée quand ils déclarèrent que l’action criminelle de Xavier était très excusable, et pouvait se réparer par son mariage avec Herménégilde.

— Non, dit la princesse, jamais Herménégilde n’accordera sa main à celui qui, comme un mauvais génie, a empoisonné par un crime odieux le plus sublime moment de sa vie.

Il faut qu’elle m’accorde sa main, dit le comte Xavier avec une hauteur froide et dédaigneuse, il le faut pour sauver son honneur. Je reste ici, et tout s’arrangera.

En ce moment s’éleva un bruit sourd ; on rapportait au château Herménégilde que le jardinier avait trouvée sans vie dans le pavillon. On la posa sur le sopha ; avant que la princesse pût l’en empêcher, Xavier s’avança et prit la main d’Herménégilde. Elle se leva en poussaut un cri affreux qui n’avait rien d’humain, mais ressemblait au gémissement perçant d’une bête fauve. Immobile, raidie par une affreuse convulsion, elle fixa sur le comte des yeux étincelants. Celui-ci chancela sous l’impression de ce regard foudroyant, et murmura d’une voix à peine intelligible :

— Des chevaux !

Sur un signe de la princesse, on lui en prépara.

— Du vin ! du vin ! s’écria-t-il.

Il en avala précipitamment quelques verres, sauta à cheval avec vigueur, et disparut.

L’état d’Herménégilde, dont le délire sombre semblait vouloir dégénérer en frénésie sauvage, changea les dispositions de Népomucène et du prince, qui reconnurent pour la première fois l’horreur de l’action irrémissible de Xavier ; on voulut envoyer chercher un médecin ; mais la princesse rejeta tous les secours de l’art, là ou il n’y avait besoin peut-être que de consolations spirituelles. Au lieu d’un médecin, on manda donc le père Cyrprien, moine de l’ordre mendiant des