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Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/287

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LA FENÊTRE DU COIN DU COUSIN
Traduit par Champfleury

Mon pauvre cousin a éprouvé le même sort que le célèbre Scarron. Ainsi que celui-ci, mon cousin a perdu complétement l’usage de ses jambes par une longue et douloureuse maladie ; maintenant il est obligé d’avoir recours à de solides béquilles et au bras nerveux d’un invalide grognard, qui ne fait auprès de lui le garde-malade qu’à son bon plaisir, pour le traîner de son lit dans son fauteuil garni de coussins, et de son fauteuil à son lit ; mais ce n’est pas là l’unique ressemblance de mon cousin avec le Français. Aussi bien que Scarron, mon cousin écrivaille ; comme Scarron il est doué d’une certaine humeur joviale, et il fait à sa manière les plaisanteries les plus humouristiques. Toutefois il faut remarquer, à l’honneur de l’écrivain allemand, qu’il n’a jamais regardé comme nécessaire d’épicer ses mets piquants d’assa-fœtida, pour chatouiller le palais de ceux de ses lecteurs allemands qui ne trouveraient pas ses plats tout à fait de leur goût. Il se contentait de la noble saveur qui excite et fortifie. Aussi les gens aiment à lire ce qu’il écrit ; cela doit être bon et divertissant ; moi, je ne m’y entends guères. D’ordinaire la conversation de mon cousin me faisait du bien, et il me semblait plus agréable de l’entendre que de le lire. Cependant cette invincible manie d’écrire est ce qui a attiré de noirs malheurs sur mon pauvre cousin. La plus pénible maladie ne put arrêter le mouvement rapide de l’imagination qui continuait à manœuvrer en lui, en fabriquant toujours, toujours du