Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/300

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— En somme, plus j’observe cette jeune fille et plus je suis frappé de certaines particularités que je ne puis exprimer avec des mots. C’est vrai, elle fait, à ce qu’il me semble, les achats avec une soigneuse attention ; elle choisit, elle marchande, elle parle, elle gesticule à propos de tout d’un air animé ; mais on dirait qu’elle voudrait acheter autre chose encore que des provisions de ménage.

LE COUSIN. — Bravo ! bravo ! cousin, ton regard s’aiguise. Vois-tu, mon cher, malgré l’élégance simple de l’habillement et abstraction faite de la démarche alerte, ces souliers de satin blanc au marché auraient déjà dû te faire deviner que la petite demoiselle appartient au ballet ou au moins au théâtre. Ce qu’elle désire ne sera pas long à se révéler. — Ah ! c’est cela ! Regarde donc, cher cousin, un peu à droite en haut de la rue, et dis-moi qui tu vois sur le trottoir, devant l’hôtel, à un endroit un peu désert ?

MOI. — Je vois un grand jeune homme élancé, à courte redingote jaune avec un collet noir et des boutons d’acier. Il porte une petite casquette rouge brodée d’argent, sous laquelle flottent de belles boucles de cheveux noirs peut-être un peu trop touffus. La petite moustache noire de la lèvre supérieure rehausse à merveille ce visage pâle, énergique et bien coupé. Il a un carton sous le bras ; — ce ne peut être qu’un étudiant qui se rend au cours. — Mais il reste là comme enraciné, le regard fixement tourné vers le marché, et il semble avoir oublié l’heure de son cours et tout ce qui l’environne.

LE COUSIN. — Tu y es, cher cousin. Toute son attention est dirigée vers notre petite comédienne. Il s’approche du grand marché aux fruits, dans lequel les plus belles marchan-