même instant ? Il se trouvait que cette jeune fille n’avait jamais pensé que les livres lus par elle avaient été préalablement inventés. L’idée d’un auteur et d’un poète lui était absolument étrangère ; et, je crois en vérité qu’en insistant un peu, elle m’eût avoué avoir cru jusques-là que le bon Dieu faisait pousser les livres comme les champignons. Je me remis à demander tout capot combien coûtait le pot d’œillets. Cependant, il fallait qu’il fût vaguement venu à la jeune fille une autre idée sur la composition des livres ; car, lorsque je lui comptai l’argent, elle me demanda naïvement si c’était moi qui avais fait tous les livres de la librairie de Kralowski. Plus rapide qu’un trait, je m’enfuis avec mon pot d’œillets.
MOI. — Cousin, cousin, j’appelle ceci vanité d’auteur punie. Pendant que tu me racontais ta tragique histoire, je n’ai pas détourné l’œil de mon idole. Ce n’est qu’auprès des fleurs que l’orgueilleux démon de la cusine lui a laissé toute liberté. La grognarde cuisinière avait posé son lourd panier à terre, et s’abandonnait avec trois collègues aux indicibles charmes de la conversation, en croisant ses bras replets tantôt l’un sur l’autre, tantôt en les plantant sur la hanche, selon les exigences de l’expression rhétorique mimée de ses discours, regarde dans la belle collection de fleurs que ce bel ange s’est choisie et que lui emporte ce fort gaillard qui la suit. Comment ?... Ah ! par exemple, voilà qui ne me plaît guères : tout en marchant, elle grignote des cerises de son petit panier... Des cerises, avec le fin mouchoir de batiste qui est certainement dans ce même panier, doivent faire un vilain ménage.
LE COUSIN. — Les jeunes appétits ne s’inquiètent pas des