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Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/316

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casquette à poils sur la tête, est en agitation continuelle. Il trottille et saute de tous côtés avec une mobilité désagréable ; il est tantôt ici et tantôt là ; il s’efforce de jouer le rôle d’aimable, de charmant, de primo amoroso du marché. Il ne laisse passer aucune dame, à moins qu’elle n’appartienne à la haute classe, sans trottiller après elle et sans lui lancer avec des poses, des gestes et des grimaces inimitables, des douceurs qui doivent être bien certainement dans le goût des charbonniers. Parfois il pousse si loin sa galanterie que, tout en causant, il passe doucement son bras autour de la taille d’une jeune fille, et, la casquette en main, rend hommage à sa beauté ou lui offre ses services chevaleresques. Il est assez remarquable que non seulement les jeunes filles en prennent leur parti, mais qu’elles rendent un sourire amical à ce petit monstre, et semblent enchantées de ses galanteries. Ce petit gaillard est sans doute doué d’une forte dose de causticité naturelle et d’un talent remarquable pour la drôlerie. C’est le paillasse, le Tausendsasa[1] connu de tout le pays aux environs. Il n’y a ni baptême, ni noces, ni ripailles, ni bal dans les tavernes sans lui ; chacun s’amuse de ses farces plaisantes et en rit une année durant. Le reste de la famille ne se compose, sauf les enfants et les servantes restés à la maison, que de deux femmes de robuste nature et de mine sinistre et grognarde, ce à quoi contribue beaucoup la poussière de charbon qui est collée dans les plis de leur visage. L’attachement tendre d’un gros loulou, qui partage tous les morceaux que la famille mange pendant le marché, me fait voir que dans une ca-

  1. Mot allemand, sans sens précis, qui signifie à peu près : Heureux farceur.