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ŒUVRES COMPLÈTES DE HOFFMANN
ILLUSTRÉES PAR FOULQUIER
TRADUCTION DE LA BÉDOLLIÈRE
L’ÉLIXIR DU DIABLE

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PRÉFACE D’HOFFMANN.


Que je voudrais, bienveillant lecteur, te conduire sous ces platanes sombres où je lus pour la première fois la surprenante histoire du frère Médard ! Tu serais assis près de moi sur ce banc de pierre, à demi caché par les buissons odorants et leurs fleurs épanouies aux mille couleurs, Comme moi, plein d’un vague désir, tu regarderais les montagnes bleues qui s’amassent en formes étranges derrière la vallée toute baignée par le soleil. Elle s’étend là, devant nous, au sortir du berceau de verdure ; et si tu te retournes, alors tu vois, à quelques pas à peine, un monument gothique dont le portail est richement orné de statues, et à travers les branches sombres des platanes les images des saints te regardent avec leurs yeux vivants et clairs : ce sont les fresques éclatantes qui parent les murailles. Le soleil est là, sur la montagne, tout rouge de feu ; le vent du soir s’élève. Partout le mouvement et la vie. Des voix singulières parcourent, indistinctes et murmurant à peine, les arbres du petit bois, et semblent, en augmentant toujours, prendre l’éclat de l’orgue et la douceur des chants. C’est le bruit qui vient des lointains. Des hommes austères, dans des vêtements à longs plis, se promènent à l’ombre des berceaux, silencieux, et le regard pieusement levé vers le ciel. Les statues des saints, descendues de leurs chapiteaux, sont-elles devenues vivantes ? L’effroi mystérieux des légendes et des surprenants récits que ces lieux ont fait naître plane sur vous. Il semble que tout se passe encore sous vos yeux, et l’on se plaît à le croire. C’est dans cette disposition d’esprit qu’il faut lire l’histoire de Médard, et alors les visions merveilleuses du moine te sembleront quelque chose de plus que les rêves d’une imagination en délire. Et maintenant, ami lecteur, que tu as vu de saintes images, un cloître et des moines, est-il besoin d’ajouter que je t’ai conduit dans le magnifique jardin de l’ancien couvent des Capucins à B. ? J’allai autrefois y demeurer quelques jours, et le vénérable prieur me montra