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Page:Hoffmann - Le Pot d’or.djvu/25

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plus doux parfums ; il entendit aussi babiller les oiseaux, mais il ne comprenait pas leur langage : ce qui lui faisait plaisir. De temps en temps on aurait dit que les feuilles d’émeraude du palmier s’agitaient avec bruit, et alors retentissaient à travers la chambre les doux sons de cristal qu’Anselme avait entendus sous le sureau au jour mystérieux de l’Ascension.

Et à ces sons, à cette lumière, Anselme se sentait venir merveilleusement des forces nouvelles, et il attachait toujours plus intimement ses sens et sa pensée aux caractères tracés sur le parchemin, et il comprit bientôt que ces signes n’avaient d’autre signification que ces mots :

— Des fiançailles du salamandre avec la couleuvre verte.

Alors un fort accord de tierce partit des cloches de cristal.

— Anselme, cher Anselme ! soupira une voix venue des feuilles.

Ô miracle, la couleuvre verte descendit en ondoyant du tronc du palmier.

— Serpentine, belle Serpentine ! s’écria Anselme dans le délire d’une suprême félicité. Car en regardant avec une attention plus grande il vit une admirable jeune fille s’avançant comme en volant à sa rencontre, et elle le regardait avec ces yeux bleu foncé pleins d’un ineffable amour, ces yeux qui vivaient en son âme. Les feuilles parurent s’abaisser et s’étendre, de tous côtés des épines jaillissaient des troncs ; mais Serpentine se tournait et se glissait adroitement parmi ces obstacles, tandis qu’elle tirait après elle sa robe flottante, et comme brillante de peinture, en la serrant contre son corps souple : de cette manière, son vêtement ne resta nulle part accroché par les épines et les pointes qui s’étaient dressées en avant.

Elle s’assit auprès d’Anselme sur la même chaise, l’entourant de ses bras et le serrant contre elle, de sorte que le souffle de sa douce haleine le touchait, et qu’il sentait la chaleur électrique de son corps.

— Cher Anselme ! lui dit-elle, bientôt tu m’auras conquise par la foi et par l’amour, et je t’apporterai le pot d’or qui nous rendra heureux pour toujours.

— Ô belle et chère Serpentine, disait Anselme, que je te possède seulement, et le reste me touchera peu. Lorsque tu seras à moi, alors je consens à laisser ma vie dans toutes ces choses étranges et merveilleuses qui m’ont assailli depuis le jour où je t’ai vue.

— Je sais, continua Serpentine, que tout cet inconnu, tout cet incompréhensible dont mon père t’a souvent entouré par un jeu de son caprice a éveillé en toi une crainte secrète ; mais cela, je l’espère, ne doit plus arriver, et dans ce moment je suis là, mon cher Anselme, pour te raconter dans les plus grands détails et du fond de mon esprit, du fond de mon cœur, ce qu’il faut que tu saches pour connaître mon père, surtout pour bien comprendre les circonstances qui m’unissent à lui.