Page:Hoffmann - Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéri, Roman complet no 6, 1915.djvu/48

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derrière le fantôme. Arrivé auprès d’une image de la Vierge, il s’arrête et se retourne, la lampe qui brûle devant l’image éclaire ses traits. C’est Cardillac.

Une indicible frayeur, une horreur secrète s’emparant de moi ; il me semble que je suis sous l’empire d’une hallucination, mais en vain voudrais-je m’y soustraire, une force irrésistible me pousse en avant, il faut que je suive le somnambule, car pour moi mon maître est tel, quoi qu’on ne soit point à une époque de la pleine lune où les gens qui marchent en dormant subissent surtout l’influence de cet astre. Enfin Cardillac s’efface dans l’ombre. Cependant une petite toux qui lui était particulière me donna la certitude qu’il était entré dans l’allée d’une maison.

— Que veut dire ceci et que va-t-il se passer ? me demandai-je avec étonnement.

Et le mieux que je peux, je me range contre les maisons pour me dissimuler. Quelques moments se passent, un homme arrive en chantant et en fredonnant, le panache de son chapeau flotte au vent et ses éperons sonnent sur le pavé. Comme un tigre qui fond sur sa proie, Cardillac s’élance de sa cachette sur le passant qui tombe en râlant. Je pousse un cri d’horreur et je me précipite sur Cardillac. Je le trouve écrasant du genou l’homme étendu à terre.

— Maître Cardillac, que faites-vous ? dis-je, en criant à haute voix.

— Malédiction ! hurle Cardillac.

Et avec la promptitude de l’éclair, il passe devant moi et s’enfonce dans les ténèbres.

Hors de moi, presque incapable de faire un pas, je m’approche du blessé et m’age-