Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/191

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l’enfance des dispositions peu favorables se développent par la suite & nous étonnent par des qualités dont nous les avions jugés peu susceptibles ; il vient un moment où leur esprit fait usage d’une foule d’expériences qu’il avoit amassées sans s’en appercevoir, & pour ainsi dire à son insçu.

Ainsi, on ne peut trop le répéter ; toutes les idées, les notions, les façons d’être & de penser des hommes sont acquises. Notre esprit ne peut agir & s’exercer que sur ce qu’il connoît, & il ne peut connoître bien ou mal que les choses qu’il a senties. Les idées qui ne supposent hors de nous aucun objet matériel qui en soit le modele, ou auquel on puisse les rapporter, & qu’on a nommé idées abstraites, ne sont que des façons dont notre organe intérieur envisage ses propres modifications, dont il choisit quelques-unes sans avoir égard aux autres. Les mots que nous employons pour désigner ces idées tels que ceux de bonté, de beauté, d’ordre, d’intelligence, de vertu, etc. Ne nous offrent aucun sens, si nous ne les rapportons ou si nous ne les expliquons à des objets, que nos sens nous ont montrés susceptibles de ces qualités, ou à des façons d’être & d’agir qui nous sont connues. Qu’est-ce que me représente le mot vague de beauté, si je ne l’attache à quelque objet qui a frappé mes sens d’une façon particulière & auquel en conséquence j’ai attribué cette qualité ? Qu’est-ce que me représente le mot intelligence, si je ne l’attache à une façon d’être & d’agir déterminée ? Le mot ordre signifie-t-il quelque chose, si je ne le rapporte à une suite d’actions ou de mouvemens qui m’affectent d’une certaine maniere ? Le mot vertu n’est-il pas vuide de sens, si je ne l’applique à des dispositions dans les