Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/20

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point vu les routes néceſſaires qu’elle trace à tout ce qu’elle renferme. Que dis-je ! Ils ſe ſont méconnus eux-mêmes ; tous leurs ſyſtêmes, leurs conjectures, leurs raiſonnemens dont l’expérience fut bannie ne furent qu’un long tiſſu d’erreurs & d’abſurdités.

Toute erreur eſt nuiſible ; c’eſt pour s’être trompé que le genre humain s’eſt rendu malheureux. Faute de connoître la nature, il ſe forma des Dieux, qui ſont devenus les ſeuls objets de ſes eſpérances & de ſes craintes. Les hommes n’ont point ſenti que cette nature, dépourvue de bonté comme de malice, ne fait que ſuivre des loix néceſſaires & immuables en produiſant & détruiſant des êtres, en faiſant tantôt ſouffrir ceux qu’elle a rendu ſenſibles, en leur diſtribuant des biens & des maux, en les altérant ſans ceſſe : ils n’ont point vû que c’étoit dans la nature elle même & dans ſes propres forces que l’homme devoit chercher ſes beſoins, des remedes contre ſes peines & des moyens de ſe rendre heureux ; ils ont attendu ces choſes de quelques êtres imaginaires qu’ils ont ſuppoſé les auteurs de leurs plaiſirs & de leurs infortunes. D’où l’on voit que c’eſt à l’ignorance de la nature que ſont dues ces puiſſances inconnues, ſous lesquelles le genre humain a ſi longtems tremblé, & ces cultes ſuperſtitieux qui furent les ſources de tous ſes maux.

C’est faute de connoître ſa propre nature, ſa propre tendance, ſes beſoins & ſes droits que l’homme en ſociété est tombé de la liberté dans l’eſclavage ; il méconnut ou ſe crut forcé d’étouffer les deſirs de son cœur, & de ſacrifier ſon bien être aux caprices de ſes chefs ; il ignora le but de l’aſſociation & du gouvernement ; il ſe ſoumit ſans